Le Docteur Jacques Mabit est un médecin français spécialiste des médecines traditionnelles, qui se définit lui-même, comme « un thérapeute de formation académique, un médecin qui pratique une partie de guérissage. » Il dirige Takiwasi, le centre de recherche qu’il a créé, à Tarapoto, en haute Amazonie Péruvienne , une petite localité qui grâce à sa situation géographique, offre une grande diversité de traditions ethno-médicinales.

Familiarisé avec les pratiques des guérisseurs rencontrés au cours de ses voyages, ce vétéran de l’action humanitaire (MSF) est arrivé au Pérou en 1986 pour y conduire des recherches sur les médecines traditionnelles du bassin Amazonien. Au cours de son étude auprès des chamanes, le médecin rencontre l’Ayahuasca, une liane dont guérisseurs et sorciers affirment détenir leur savoir. Une « plante maîtresse» dont ils extraient une boisson hallucinogène et qu’ils tiennent en grand respect.

Peu enclin à la prise de « drogues », le médecin cependant, décide d’expérimenter la « Liane de l’Âme » pour tenter de comprendre.

Il s’initie alors en compagnie d’un Maître Ayahuasquero, à la médecine « Végétaliste », il prend l’Ayahuasca et s’engage dans un apprentissage exigeant : – « si je voulais réellement connaître cette tradition : la pratique de guérisons chamaniques séculaires, qui ne correspondent ni aux standards médicaux européens, ni à la philosophie occidentale, je devais aller plus loin que la simple description ».

– « J’ai alors constaté que l’usage d’Ayahuasca induit la perception de phénomènes indiscernables autrement, des processus qu’il faut des années pour comprendre. Nous appliquons cette méthode à Takiwasi, afin d’atteindre un point où la médecine occidentale peut accéder à ce savoir millénaire, puis apprendre et appliquer ce savoir au traitement de problèmes contemporains ».

La réhabilitation des toxicomanes, particulièrement nombreux dans cette région du Pérou, est l’activité principale du centre, (héroïne, cocaïne, alcool…) le traitement repose sur le libre choix des patients qui s’engagent à l’abstinence. Une dizaine sont hébergés au centre, peu d’étrangers, principalement des Français, les péruviens constituent le principal contingent. Récemment encore, Tarapoto était l’une des capitales mondiales du trafic de cocaïne, et l’usage de basuco courant parmi les populations pauvres.

Takiwasi est une villa sans étages, située au cœur d’un jardin botanique et potager, dépourvu de barrières et ponctué des locaux du centre.

Le traitement qui dure neuf mois est constitué de diètes, de retraites en forêt, d’ingestion de plantes désintoxiquantes et de prises cérémonielles d’Ayahuasca, sous la conduite des chamanes employés par le centre.

Désintoxication et hallucinogène apparaissent contradictoire, pourtant, la méthode semble efficace, selon le docteur Mabit 4 patients sur 10 parviennent à un sevrage définitif, de plus l’Ayahuasca, que les péruviens appellent familièrement : « La Purga », ne se prête pas à un usage récréatif et ne créé aucune dépendance. Il existe de par le monde d’autres exemples de traitements « psychédéliques », souvent basés sur des principes équivalents (Iboga, Harmines, etc.).

Les purges et diètes qui précèdent la prise cérémonielle d’Ayahuasca permettent d’éliminer les toxines et de faire disparaître le manque physique pendant que les propriétés psychoactives du breuvage, placent le sujet dans un état de profonde introspection, face à lui même et à ses choix ; une sorte de psychanalyse express.

 – « Nous considérons que le toxicomane est à la recherche d’une autre réalité derrière le quotidien, et que cette recherche est peut-être légitime. Parce qu’il se sent mal dans la vie, qu’il se sent seul, vide et anxieux, que cette anxiété peut exprimer une recherche existentielle pour ne plus se sentir limitée et emprisonnée, c’est pourquoi je lui réponds : « tu veux te « défoncer » te sentir « high », OK, défonce-toi, mais tu fais un mauvais choix… Tu es en train de te tuer toi-même. Si tu veux accéder à d’autres niveaux de conscience et d’autres réalités, tu dois le faire de la façon appropriée. Nous allons même t’accompagner. Ce que nous suggérons aux patients, c’est d’explorer, eux-mêmes, leur monde intérieur, de découvrir ce qui se passe dans leur vie, et ainsi, dans leurs propres termes, de différencier ce qui est important de ce qui ne l’est pas. ».

La prise hebdomadaire d’Ayahuasca donne lieu à un rituel, auquel participent tous les membres de l’équipe multidisciplinaire qui s’est constitué autour du Dr Mabit, en tout, une dizaine de personnes dont un psychologue, des botanistes, deux guérisseurs Ayahuasquero et des stagiaires chargés d’accompagner et d’assister les patients pendant la durée de leur cure.

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Text & images © Hervé Merliac/Kaleidos-images · Tous droits réservés